foret endormie

 

 

Originaire de la côte est des Etats-Unis, et plus précisément du Maine (état forestier s’il en est), Forêt endormie n’est autre que l’ambitieuse parenthèse néo-classique/folk d’un certain Jordan Guerette (guitariste au sein de cet unique et fabuleux groupe qu’est Falls of Rauros). Bien que la musique soit ici bien différente du black métal aux accents folk qu’il pratique avec Falls of Rauros, les thèmes abordés, ainsi que leur lot d’atmosphères mélancoliques et envoûtantes viennent entretenir une parenté indéniable entre les univers de ces deux groupes.

Le quintette donnant vie à la musique de Forêt endormie se compose d’un piano, d’un violoncelle, d’une guitare, d’un violon et d’un vibraphone, vous pouvez donc d’ores et déjà ranger au placard vos attentes métalleuses et votre soif de riffs acérés. Mais comme vous pouvez vous en douter, l’intérêt de cet album est à chercher ailleurs, assez loin des habituels styles musicaux évoqués sur le blog d’Inside the Pain. Comme ils le savent bien dans la Mayenne, il est important d’élargir vos horizons (les habitants des environs de Laval comprendront peut-être cette allusion douteuse et inutile). Croyez-moi sur parole, ce voyage musical en vaut  largement la peine, tant la récompence émotionnelle en est belle.

La musique de Forêt endormie est telle une envoûtante ode à la nature, sa complexité et son mystère. Un lancinant violon nous servant souvent de guide au coeur de ce voyage sylvestre et bucolique, à la simplicité trompeuse. En résulte un ensemble imprévisible et fascinant qui renvoie directement à l’esprit romantique du XIXe siècle.

 

foret endormie band

 

Depuis son ouverture sur un poème de Verlaine (« l’angoisse ») admirablement mis en valeur par la superposition des voix de Kate Beever et Jordan Guerette (ainsi que de Brendan James Hayter d’Obsidian Tongue sur « The clearing »), jusqu’au délicat « L’arbitrage » achevant l’ensemble, toute la musique de Forêt endormie impressionne par son subtil équilibre. Elle coule comme un ruisseau, dans un mouvement perpétuel empreint de douceur et d’une relative tristesse. Allant à la rencontre des styles néo-classique et néo-folk (on pense ainsi souvent à Erik Satie et ses fameuses Gymnopédies, à Claude Debussy, mais aussi à des groupes tels que Sol Invictus ou Death in June), les huit morceaux composant Étire dans le ciel vide évitent par ailleurs le piège de la mélodie facile et niaise guettant au coin du bois. La force principale de cet album réside d’ailleurs sans doute en cet art de l’équilibre: savoir offrir à l’auditeur une musique accessible mais pas simpliste, émotionnelle sans que cela ne semble excessif.

Il est également possible de rapprocher certains passages de la musique Joe Hisaishi (Princesse Mononoke, Le voyage de Chihiro…), cette-ci partageant avec Forêt endormie une mélancolie (voire une certaine tristesse) parvenant malgré tout à rester lumineuse. On parvient toujours à apercevoir une douce lueur entre les arbres. Plusieurs passages au piano ou au violoncelle (notamment sur « Pastorale ») n’étant pas sans rappeler le style de composition cher à Hisaishi.

Il en va de soi, je conseille donc vivement aux plus ouverts d’entre vous d’aller jeter une oreille à ce superbe album, ne serait-ce que si vous êtes à la recherche d’une musique à même de vous couper du monde et de vous en protéger l’espace d’une quarantaine de minutes. « Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent ».

8.5/10

Disponible ici: foretendormie.bandcamp.com